Colombie. L’épave du galion San Jose déclarée « bien d’intérêt culturel », nouveau rebondissement dans une chasse au trésor de 311 ans
Construit en 1699 et doté de 62 canons, le galion San Jose conduisait une imposante flotte espagnole au printemps 1708, retournant en Europe avec d’immenses richesses des colonies sud-américaines pour remplir les coffres du roi Philippe V en pleine guerre de Succession (1701-1712). Le galion était chargé d’un trésor évalué à 9 milliards d’euros, soit le trésor sous-marin le plus important jamais retrouvé : 116 coffres d’émeraudes et les deux tonnes de platine sont envoyés par le fond. Le navire transportait également toute la fortune personnelle du vice-roi du Pérou. Commandé par l’amiral José Fernandez de Santillan, le San Jose avait pris la mer depuis les colonies d’Amérique du Pérou et se dirigeait vers Carthagène, avant de se rendre à La Havane pour y faire escale comme toutes les « flottes de l’or » et prendre ensuite la route de la péninsule ibérique.
Mais, les navires espagnols ont été interceptés par une expédition anglaise au large de Carthagène des Indes, lors de la bataille de Baru, les 7 et 8 juin 1708. Pendant l’assaut, la poudrière du San José a explosé et le navire a coulé avec près de 580 passagers et hommes d’équipage : seuls 16 survivants ont été dénombrés. Depuis 311 ans, le navire repose par 600 mètres de profondeur à environ 30 kilomètres des côtes colombiennes.
La découverte du galion San Jose a été annoncée en novembre 2015, fruit des efforts conjugués d’une équipe de chercheurs de l’Institut colombien d’anthropologie et d’histoire (ICANH), de la marine de Colombie (DIMAR) et de spécialistes internationaux. La localisation précise de l’épave reste secrète pour éviter tout pillage : on sait seulement que le site se trouve approximativement entre l’archipel Rosario et la péninsule de Baru, au large de la cité de Carthagène.
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Les restes du San Jose font l’objet d’une bataille judiciaire depuis près de 40 ans entre la Colombie et la société américaine Sea Search Armada (SSA), spécialisée dans la récupération de bateaux coulés. Celle-ci estime avoir donné les coordonnées de l’épave en 1980 au gouvernent colombien et revendiquent en conséquence 50% de la part du trésor submergé. La Colombie conteste cette version et explique que l’épave a été retrouvée à des coordonnées différentes de celles communiquées par la SSA, dans une zone jamais explorée. Elle a d’ailleurs déclaré que le navire et son contenu étaient la « propriété de l’État » : cette décision a été confirmée par un tribunal de Washington en 2011 et par la Cour suprême des États-Unis en 2013. En revanche, un tribunal colombien à Baranquilla a jugé en 1994 que le trésor appartenait à 50% à la Colombie et à 50% à la Sea Search Armada, ce que la Cour supérieure de Barranquilla a confirmé en octobre 2017. Enfin, le Conseil d’État, plus haute juridiction en Colombie, a statué en faveur de l’État en février 2018, reconnaissant que le galion et sa cargaison sont les actifs des Colombiens.
De son côté, l’Espagne a annoncé qu’elle souhaitait que l’épave du navire qui lui appartenait en 1708 puisse finir dans un musée et qu’elle s’opposait à ce que la cargaison soit revendue. Les ministres des Affaires étrangères de Colombie et d’Espagne ont d’ailleurs déclaré en décembre 2015 que les deux pays travailleront ensemble avec l’objectif commun de « conserver et protéger » les restes du galion de San José, qui sont « patrimoine de l’humanité ». En Bolivie, les représentants de la nation indigène Qhara Qhara revendiquent une partie du trésor du San José, dont les métaux précieux ont été extraits des mines de Potosi.
Finalement en ce mois de décembre 2019, le Conseil national du patrimoine colombien vient de déclarer le galion San José « bien d’intérêt culturel ». Cette décision implique que la cargaison et les restes du navire ne pourront pas être commercialisés et ne pourront être que conservés à des fins scientifiques et historiques. Autrement dit, les opérations sous-marines pour la remontée de l’épave ne pourront pas être financées par la vente d’une partie de la cargaison.
Le gouvernement colombien cherche à organiser la remontée de l’épave et de sa cargaison. Mais, le coût risque d’être élevé en raison de la situation de l’épave, couchée sur le flanc en bordure d’une fosse sous-marine, et donc des moyens technologiques nécessaires pour travailler à une telle profondeur. A cette fin, le ministère de la culture a lancé le 26 décembre un appel d’offres pour sonder l’épave du San Jose et arriver un jour à remonter à la surface le légendaire trésor.
La légende du galion San Jose et de sa précieuse cargaison est donc encore loin d’être complètement écrite.
Pascal DROUHAUD
Président de LATFRAN